Par Jean-François
Venne
Specsavers
a récemment dévoilé ses intentions quant au marché canadien. Le géant
britannique de l’optométrie souhaite détenir plus de
200 bureaux au Canada d’ici 2024 et éventuellement avoir une présence dans
toutes les provinces canadiennes.
C’est
d’abord en Colombie-Britannique que s’implantera Specsavers, à la suite de
l’acquisition au printemps dernier d’Image Optometry. « Nous discutions
avec les dirigeants d’Image depuis longtemps et nous croyons que leur
entreprise constitue une belle base pour amorcer notre aventure canadienne,
confie Bill Moir, directeur général de Specsavers Canada. Nous aimons leur
modèle axé sur les valeurs et les gens, qui se marie bien à notre approche qui
valorise la qualité et l’accessibilité des produits et services. »
Deux
anciennes boutiques d’Image Optometry ont été ouvertes sous leur nouvelle
bannière Specsavers en novembre à Nanaimo et Coquitlam et 14 autres
suivront d’ici mars 2022. L’entreprise possède aussi un laboratoire en
Colombie-Britannique et pourrait en ouvrir plus pour soutenir la croissance de
la société au pays.
« Nous
développerons le marché de la Colombie-Britannique dans les prochains mois,
mais nous voulons nous implanter dans toutes les provinces éventuellement,
confirme Bill Moir. Le Canada est un marché relativement complexe, puisque les
réglementations qui encadrent les professionnels de la vue varient d’une
province à l’autre. Mais nous avons l’habitude de nous adapter à de nouvelles
juridictions. »
L’entreprise
compte d’abord croître de manière organique, en permettant à des optométristes
et opticiens d’intégrer son réseau de franchise, mais reste aussi ouverte aux
acquisitions. Fondée au Royaume-Uni en 1984, elle est maintenant présente dans
11 pays, où elle sert plus de 41 millions de clients.
Un
modèle de partenariat
« L’un
des éléments qui nous démarque est que nos magasins sont détenus et gérés en
partie par les optométristes, les opticiens et les détaillants eux-mêmes,
explique Bill Moir. Nous souhaitons leur proposer un faible coût d’entrée et un
soutien de grande qualité. » Chaque boutique peut offrir les services d’un
optométriste indépendant, mais la partie vente de produits est la propriété
conjointe d’un duo optométriste/opticien ou optométriste/détaillant. Le coût
d’entrée pour une franchise s’élève environ à 25 000 dollars pour
chaque partenaire (donc 50 000 dollars par boutique).
Les
franchisés reçoivent ce que Bill Moir qualifie de « service
complet ». Cela couvre par exemple les services de gestion comme le
marketing et la comptabilité, les services informatiques et technologiques ou
encore l’approvisionnement. Specsavers prévoit notamment une chaîne d’approvisionnement
intégrée pour toutes ses franchises. « Nous voulons que les professionnels
de la vue puissent se concentrer sur leurs services aux patients, donc nous
leur fournissons beaucoup de soutien », résume Bill Moir.
Specsavers
a l’habitude de devenir assez rapidement une force dominante dans les pays où
elle entre. Elle a été fondée au moment où le gouvernement de Margaret Thatcher
déréglementait les services optiques. Cela lui a permis d’utiliser des
approches de publicité et de marketing auparavant interdites dans ce pays.
Specsavers y accapare désormais la moitié des parts du marché. En Australie,
l’entreprise a ouvert 100 boutiques en cent jours lors de son arrivée en
2008. Elle y détient maintenant environ 40 % des parts de marché.
Specsavers
soutient qu’il n’y a pas de force nationale véritablement dominante dans le
marché canadien de l’optique. Elle voit dans cette fragmentation une
opportunité de s’imposer assez rapidement. Elle compte investir lourdement dans
la publicité et la mise en marché pour devenir un grand joueur de l’optique et
de l’optométrie au Canada.
Un
concurrent de taille
L’entreprise
britannique devient donc un nouveau concurrent dans un marché qui a vu ces
dernières années l’arrivée de Bailey Nelson, Warby Parker, Mujosh et Oscar
Wylee, entre autres. Elle représentera certainement un défi pour Luxottica
(propriétaire de LensCrafters, Pearle Vision et Sunglass Hut), New Look (qui
détient ses magasins et aussi les chaînes Vogue Optical, IRIS et Greiche &
Scaff), FYidoctors et Bon Look, notamment.
Ces
compétiteurs demeurent d’ailleurs très discrets à la suite de l’annonce de
Specsavers. Quant aux indépendants, il reste à voir s’ils percevront Specsavers
comme une menace ou une opportunité de se rallier à un nouveau partenaire. Sous
le couvert de l’anonymat, le dirigeant d’un groupe d’achat a qualifié
l’acquisition d’Image Optometry par Specsavers de « ballon d’essai »
et a rappelé que les indépendants se trouvent déjà en concurrence avec des
chaînes, dont plusieurs sont en mode consolidation. Il ajoute que « les
clients continuent de préférer les services et les soins attentionnés d’un
professionnel indépendant, impliqué localement et qui adapte son offre en
fonctions des différences régionales ».
Bill
Moir estime quant à lui que le marché canadien bénéficiera du modèle de
Specsavers. « Nous proposons des produits et des services de grande
qualité, à des prix abordables et en même temps nous offrons une option de
partenariat intéressante aux professionnels de la vue, souligne-t-il. C’est
avec ce double objectif en tête que les optométristes Doug et Mary Perkins
avaient créé leur entreprise et nous pensons que les Canadiens aimeront cette
approche. »