Le plan de match de Specsavers au Canada
lundi, janvier 3 2022 | 08 h 09 min | Nouvelles
Par Jean-François Venne
Specsavers a récemment dévoilé ses intentions quant au marché canadien. Le géant britannique de l’optométrie souhaite détenir plus de 200 bureaux au Canada d’ici 2024 et éventuellement avoir une présence dans toutes les provinces canadiennes.
C’est d’abord en Colombie-Britannique que s’implantera Specsavers, à la suite de l’acquisition au printemps dernier d’Image Optometry. « Nous discutions avec les dirigeants d’Image depuis longtemps et nous croyons que leur entreprise constitue une belle base pour amorcer notre aventure canadienne, confie Bill Moir, directeur général de Specsavers Canada. Nous aimons leur modèle axé sur les valeurs et les gens, qui se marie bien à notre approche qui valorise la qualité et l’accessibilité des produits et services. »
Deux anciennes boutiques d’Image Optometry ont été ouvertes sous leur nouvelle bannière Specsavers en novembre à Nanaimo et Coquitlam et 14 autres suivront d’ici mars 2022. L’entreprise possède aussi un laboratoire en Colombie-Britannique et pourrait en ouvrir plus pour soutenir la croissance de la société au pays.
« Nous développerons le marché de la Colombie-Britannique dans les prochains mois, mais nous voulons nous implanter dans toutes les provinces éventuellement, confirme Bill Moir. Le Canada est un marché relativement complexe, puisque les réglementations qui encadrent les professionnels de la vue varient d’une province à l’autre. Mais nous avons l’habitude de nous adapter à de nouvelles juridictions. »
L’entreprise compte d’abord croître de manière organique, en permettant à des optométristes et opticiens d’intégrer son réseau de franchise, mais reste aussi ouverte aux acquisitions. Fondée au Royaume-Uni en 1984, elle est maintenant présente dans 11 pays, où elle sert plus de 41 millions de clients.
Un modèle de partenariat
« L’un des éléments qui nous démarque est que nos magasins sont détenus et gérés en partie par les optométristes, les opticiens et les détaillants eux-mêmes, explique Bill Moir. Nous souhaitons leur proposer un faible coût d’entrée et un soutien de grande qualité. » Chaque boutique peut offrir les services d’un optométriste indépendant, mais la partie vente de produits est la propriété conjointe d’un duo optométriste/opticien ou optométriste/détaillant. Le coût d’entrée pour une franchise s’élève environ à 25 000 dollars pour chaque partenaire (donc 50 000 dollars par boutique).
Les franchisés reçoivent ce que Bill Moir qualifie de « service complet ». Cela couvre par exemple les services de gestion comme le marketing et la comptabilité, les services informatiques et technologiques ou encore l’approvisionnement. Specsavers prévoit notamment une chaîne d’approvisionnement intégrée pour toutes ses franchises. « Nous voulons que les professionnels de la vue puissent se concentrer sur leurs services aux patients, donc nous leur fournissons beaucoup de soutien », résume Bill Moir.
Specsavers a l’habitude de devenir assez rapidement une force dominante dans les pays où elle entre. Elle a été fondée au moment où le gouvernement de Margaret Thatcher déréglementait les services optiques. Cela lui a permis d’utiliser des approches de publicité et de marketing auparavant interdites dans ce pays. Specsavers y accapare désormais la moitié des parts du marché. En Australie, l’entreprise a ouvert 100 boutiques en cent jours lors de son arrivée en 2008. Elle y détient maintenant environ 40 % des parts de marché.
Specsavers soutient qu’il n’y a pas de force nationale véritablement dominante dans le marché canadien de l’optique. Elle voit dans cette fragmentation une opportunité de s’imposer assez rapidement. Elle compte investir lourdement dans la publicité et la mise en marché pour devenir un grand joueur de l’optique et de l’optométrie au Canada.
Un concurrent de taille
L’entreprise britannique devient donc un nouveau concurrent dans un marché qui a vu ces dernières années l’arrivée de Bailey Nelson, Warby Parker, Mujosh et Oscar Wylee, entre autres. Elle représentera certainement un défi pour Luxottica (propriétaire de LensCrafters, Pearle Vision et Sunglass Hut), New Look (qui détient ses magasins et aussi les chaînes Vogue Optical, IRIS et Greiche & Scaff), FYidoctors et Bon Look, notamment.
Ces compétiteurs demeurent d’ailleurs très discrets à la suite de l’annonce de Specsavers. Quant aux indépendants, il reste à voir s’ils percevront Specsavers comme une menace ou une opportunité de se rallier à un nouveau partenaire. Sous le couvert de l’anonymat, le dirigeant d’un groupe d’achat a qualifié l’acquisition d’Image Optometry par Specsavers de « ballon d’essai » et a rappelé que les indépendants se trouvent déjà en concurrence avec des chaînes, dont plusieurs sont en mode consolidation. Il ajoute que « les clients continuent de préférer les services et les soins attentionnés d’un professionnel indépendant, impliqué localement et qui adapte son offre en fonctions des différences régionales ».
Bill Moir estime quant à lui que le marché canadien bénéficiera du modèle de Specsavers. « Nous proposons des produits et des services de grande qualité, à des prix abordables et en même temps nous offrons une option de partenariat intéressante aux professionnels de la vue, souligne-t-il. C’est avec ce double objectif en tête que les optométristes Doug et Mary Perkins avaient créé leur entreprise et nous pensons que les Canadiens aimeront cette approche. »