Des montures de plus en plus vertes
jeudi, avril 14 2022 | 02 h 13 min | Magazine Optik
Par Jean-François Venne
Les lunetiers s’intéressent de plus en plus à la réduction de leur impact environnemental et se tournent vers des matériaux plus écologiques. Du recyclage jusqu’à la production de matériaux novateurs, les initiatives ne manquent pas.
Depuis plusieurs années, les montures en acétate connaissent une grande popularité. « L’acétate de cellulose est fabriqué en mélangeant de la cellulose, qui vient du bois ou du coton, avec une base chimique. Cette base provient généralement de sources fossiles, comme le pétrole ou le charbon. »
Pour corriger cela, Eastman Chemical a élaboré Acetate Renew. « Pour fabriquer nos flocons d’Acetate Renew, nous remplaçons la base chimique avec des déchets de plastique difficiles à recycler, grâce à notre technologie de recyclage moléculaire, explique Rachel Oakley. Le résultat est combiné à un contenu biosourcé provenant de forêts gérées durablement. » Eastman fournit ce matériau à des manufacturiers de feuilles d’acétate, comme Mazzucchelli et à des fabricants de montures.
Des lunetiers tels Marchon, Kenmark et Andy Wolf ont annoncé leur intention d’utiliser Acetate Renew. Quant à Sàfilo, ils feront transiter toutes leurs collections vers Acetate Renew et Tritan Renew, un autre produit d’Eastman qui sert à fabriquer des verres et contient jusqu’à 50 % de contenu recyclé. Déjà, les montures solaires Salvatore Ferragamo sont fabriquées avec Acetate Renew, alors que les verres en Tritan Renew équipent la ligne Polaroïd.
Trésors marins
De plus en plus de lunetiers s’intéressent à l’utilisation de déchets dans la fabrication de montures. C’est le cas de Waterhaul, fondé en 2018, qui propose des montures à partir de filets de pêche abandonnés.
Chaque année, entre 500 000 et un million de tonnes de filets de pêche en fibres synthétiques, nylon et autres plastiques sont jetés ou perdus dans les océans. Ils tuent environ 650 000 animaux marins annuellement. « La première fois que j’ai constaté ce phénomène, c’était dans un projet de volontariat en Malaisie et ça m’a vraiment ouvert les yeux », raconte Harry Dennis, biologiste marin et fondateur de Waterhaul.
Résident de la région de Cornwall, au Royaume-Uni, il souhaitait trouver une manière de récupérer et de recycler ces filets. Il s’est rendu compte que les matériaux qui les composent sont très solides et idéaux pour fabriquer des montures. Il s’est associé à une entreprise italienne pour expérimenter et arriver au produit final. Ses montures sont équipées de verres minéraux Barberini.
Un monde meilleur
En Espagne, Parafina se spécialise depuis sa fondation en 2014 dans la fabrication de montures avec six matériaux recyclés. L’entreprise offre des lunettes solaires, de lecture, pour écrans et pour enfants. Elle utilise deux sortes de plastique recyclé, le PET, qui provient par exemple des bouteilles d’eau, et le PEHD, plus rigide, que l’on retrouve dans les bouteilles de détergent ou de shampoing. Parafina emploie également du liège, du caoutchouc, du bambou et du métal, tous recyclés.
L’entreprise détient la certification B Corp, qui reconnaît sa transparence et son respect de certaines exigences sociétales, environnementales et de gouvernance. « Nous voulions obtenir une certification pour l’ensemble du fonctionnement de l’organisation, pas juste pour les produits », précise le directeur.
Le Canada s’y met
Le Canada n’échappe pas à cette vague verte, comme le montrent deux projets très récents. L’un d’eux, Shyne Eywear, a été lancé par deux étudiants à l’Université d’Ottawa en 2018. « Ils travaillaient dans des boutiques de vêtements et constataient énormément de gaspillage, tels les cintres de plastique qui étaient jetés massivement, explique Alexander Parsan, gestionnaire du projet Shyne. Ils cherchaient une manière de réutiliser ce plastique. »
Après quelques essais, ils se sont tournés vers les sociétés italiennes Aquafil et Danor. Aquafil produit le nylon Econyl à partir de déchets de textiles et de filets de pêche. Danor l’utilise pour fabriquer les montures solaires et les lunettes pour écran de Shyne. Sàfilo, notamment, emploie également l’Econyl depuis 2020, par exemple dans des modèles Tommy Hilfiger.
Ce matériau augmente un peu les coûts de fabrication des montures, ce qui est aussi le cas d’Acetate Renew. Le prix de chaque monture de Shyne Eyewear est fixé à 70 $, ce qui reste relativement abordable. « Nous remettons 5 $ de chaque vente à des organismes de charité locaux », précise Alexander Parsan.
Un autre résident d’Ottawa, Chris Anderson, se concentre sur le recyclage du bois des planches à roulettes et des planches à neige pour fabriquer ses montures solaires de marque SKRP. « Lors d’un voyage en Nouvelle-Écosse en 2012, j’ai vu pour la première fois des produits construits à partir du bois de vieilles planches à roulettes, raconte-t-il. J’ai rapidement eu envie d’essayer moi-même. Comme j’adore les montures solaires, j’ai commencé par ça. »
S’il vendait au début uniquement sur son site, il distribue maintenant à des boutiques et même à quelques opticiens. Cela l’aide à répondre à la demande des clients qui veulent insérer des verres de prescription dans ses montures. Il trouve ses planches à roulettes ou planches à neige usagées grâce à des partenariats avec des magasins, des monts de ski et des compagnies de distributions. « L’objectif est d’empêcher ces objets de se retrouver au dépotoir », précise-t-il.
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