Le luxe : anatomie d’une paire de lunettes
vendredi, avril 28 2023 | 13 h 47 min | Magazine Optik, Montures & Mode
Par Sarah Bureau, RO
Le luxe est un mot qui perd rapidement de son sens à mesure que les génies du marketing du monde entier utilisent ce terme pour désigner tous les produits dont ils veulent nous faire croire qu’ils sont de qualité.
Quand vous entendez parler de « luxe » au sein de l’industrie de la lunetterie, à quoi pensez-vous? Si vous n’avez jamais manipulé des lunettes réellement de luxe, des marques de mode connues vous viennent probablement en tête. Malheureusement, le prestige associé au design et à la qualité que ces noms évoquent ne se traduit pas nécessairement dans leurs gammes de lunettes. Lorsqu’on sait que l’empire italien Luxottica produit 80 % de l’ensemble des lunettes dans le monde, il n’est pas exagéré de penser qu’il est peu probable qu’un tel géant fabrique les produits les plus impressionnants. De même, les montures qui affichent la mention « Fait en Italie » ne sont pas toutes ce qu’elles semblent être. La ligne entre « fait » et « assemblé » est floue.
Comprendre l’anatomie des lunettes que vous recommandez constitue un aspect crucial et souvent sous-estimé de l’optométrie. Nous avons tous déjà entendu un client insatisfait dire « pour le prix que j’ai payé… » parce que sa monture était brisée ou déformée. Jetons un regard approfondi sur l’anatomie d’une paire de lunettes afin de comprendre ce qui définit le savoir-faire.
Tout est dans les matériaux. Il existe un vaste éventail de plastiques et de métaux couramment utilisés dans la fabrication des lunettes, qui peuvent aller des métaux bon marché à base de nickel à l’acier inoxydable et au titane de haute qualité; du nylon à base de pétrole à l’acétate sur mesure. Bien que chaque composant de la monture influence la qualité dans son ensemble, nous nous concentrerons ici sur les plastiques.
Une percée scientifique
En 1865, le chimiste français Paul Schützenberger a découvert que la cellulose réagissait à l’anhydride acétique pour former de l’acétate de cellulose. Cette percée a aussi permis aux chimistes allemands Arthur Eichengrün et Theodore Becker de faire une autre découverte scientifique : l’acétate soluble. Bien que l’acétate soit désormais fabriqué dans plusieurs pays partout dans le monde, le producteur le plus reconnu pour sa qualité est Mazzucchelli 1849, de Castiglione Olona, en Italie. Depuis six générations, cette famille produit de l’acétate de la plus haute qualité selon la tradition et le savoir-faire de ses fondateurs. Mazzucchelli a été fondée en 1849; l’entreprise fabriquait des peignes et des boutons à partir de matériaux naturels, comme les cornes de buffle et les os, avant de devenir le leader mondial de la production de magnifique acétate de cellulose largement utilisé dans l’industrie de l’optique à ce jour. Mazzucchelli constitue un véritable exemple de produits « Made in Italy ».
Ne sont-elles pas toutes fabriquées en zyl?
Quoique les montures optiques soient fabriquées à base de plastique et d’acétate, leur composition est réellement différente. Des matériaux comme TR90, SPX et O-Matter sont obtenus à partir de granules de nylon à base de pétrole moulées par coulée. Ce produit n’est pas offert en plusieurs couleurs et ne s’adapte pratiquement pas. Bien qu’il soit léger, le matériau est fragile comparativement à l’acétate renouvelable. Si vous cherchez « Mazzucchelli 1849 » sur YouTube, vous pourrez visionner toutes les étapes du processus de fabrication de l’acétate de cellulose. À partir d’une formule à base de coton naturel, de matières ligneuses et de plastifiants, les artisans de l’acétate créent des couleurs et des motifs uniques, particulièrement pour les collections de lunettes indépendantes de partout dans le monde.
Le processus commence lorsque l’artisan mélange à la main une sélection de poudres colorées et de l’acétone pour en faire des feuilles d’acétate semi-translucides. Les feuilles sont ensuite aplanies à répétition dans une presse métallique pour obtenir une couleur uniforme, puis pressées à l’intérieur de grands moules en forme de bloc. On laisse alors le produit reposer afin qu’il sèche et se solidifie. L’acétate peut être coupé en petits copeaux ou en feuilles pour créer des motifs ou des couches superposées qui seront pressés une fois de plus dans des moules afin de prolonger le temps de séchage.
Une fois le processus terminé, ces blocs sont découpés en feuilles de différentes épaisseurs, prêtes à fabriquer de belles montures. Un produit supérieur repose sur la qualité de ses matériaux de base et la durée de leur temps de séchage. Comme c’est le cas pour bien des choses dans la vie, l’excellence requiert temps et argent. Si le producteur d’acétate ne laisse pas sécher le produit assez longtemps, la monture se déformera facilement. Bien que l’acétate italien soit plus souple grâce à une technique de fabrication donnant lieu à de l’acétate monobloc, l’acétate japonais est plus rigide et dense puisqu’il est extrudé sous haute pression au travers d’une filière.
En comprenant mieux les différentes étapes du processus de fabrication des montures, vous serez un meilleur opticien et vous gagnerez la confiance de votre clientèle!
Pour lire l’article de Sarah dans Optik de Janvier-Février 2023, cliquez ICI!