L’optométrie en dehors de la clinique
lundi, décembre 9 2024 | 15 h 35 min | Nouvelles
Par Dre Shannon Hughes, OD
Introduction
J’ai grandi en étant incroyablement chanceuse. J’ai toujours eu accès aux soins de santé dont j’avais besoin. Je vivais dans une grande ville, mes deux parents avaient leur propre voiture, et nous avions les moyens de payer pour des services de santé. Bien que je savais que certaines régions du monde étaient en difficulté, je n’avais pas été confrontée à cette réalité durant mon enfance. Tout cela a changé pendant mes études en optométrie. Deux expériences marquantes au cours de ma formation en optométrie — dans une région rurale de la Colombie-Britannique et au Malawi, en Afrique — m’ont ouvert les yeux sur les défis immenses auxquels font face les communautés mal desservies pour accéder aux soins visuels. Ces moments ont non seulement transformé ma perspective, mais ils ont également allumé une passion durable pour aider à combler ces lacunes.
Ma plus récente expérience s’est déroulée lors de mon dernier stage de quatrième année. Je travaillais à FYidoctors Smithers, en Colombie-Britannique rurale. Mes journées préférées à la clinique étaient celles consacrées aux activités de sensibilisation : deux journées passées dans des petites communautés situées à environ une heure de route de Smithers, où nous réalisions des examens de la vue complets dans des écoles primaires. Nous étions bien équipés pour effectuer des réfractions complètes et des examens du fond d’œil. Mais ma première expérience d’optométrie hors de la clinique ne disposait pas d’autant d’outils. L’été suivant ma deuxième année d’études en optométrie, j’ai eu l’occasion de participer à un voyage VOSH au Malawi. J’y ai beaucoup appris sur les dépistages et la prestation de soins visuels dans des environnements non conventionnels. Et ma rétinoscopie s’est considérablement améliorée ! Comment aurait-il pu en être autrement lorsque je pratiquais jusqu’à cent fois par jour ? Et bien que cela ait été difficile en soi, il y avait de nombreux défis à relever lors de ces dépistages et examens. Bien que mon temps au Malawi et en Colombie-Britannique rurale se soit déroulé dans des régions du monde très différentes, les défis rencontrés étaient étonnamment similaires : barrières linguistiques, ressources limitées et un besoin immense de soins visuels de base.
La barrière de la langue
Au quotidien, nous sommes tous confrontés à la barrière linguistique que représente le jargon médical. Nous devons être capables d’expliquer des termes comme « astigmatisme » et « rétinopathie diabétique » aux patients en utilisant des mots simples qu’ils peuvent comprendre. Mais lorsque nous ne parlons pas la même langue de base, il devient difficile, par exemple, de demander au patient de regarder dans une direction spécifique pour effectuer un simple test.
Au Malawi, nous utilisions un tableau à « E » rotatif pour évaluer l’acuité visuelle. Bien que nos alphabets soient similaires, nos sons et nos mots ne l’étaient pas. Les patients indiquaient donc l’orientation de la lettre « E » à différentes tailles. Nous avions également appris des phrases de base dans leur langue, bien que notre prononciation ait probablement laissé à désirer. Pendant les journées de sensibilisation en Colombie-Britannique, le niveau d’éducation de certains enfants n’était pas à la hauteur des attentes, ce qui rendait difficile même la collecte d’informations de base comme l’acuité visuelle. Heureusement, j’ai pu appliquer mes connaissances acquises au Malawi, notamment en utilisant des tableaux d’acuité visuelle simplifiés et mes compétences grandement améliorées en rétinoscopie pour mieux comprendre les besoins visuels des enfants. Dans les deux cas, les tests objectifs étaient essentiels, ce qui est particulièrement difficile lorsque vous n’avez qu’un an et demi d’expérience et que vous n’avez pas encore totalement confiance en vous.
Les ressources limitées
Un autre obstacle majeur est l’accès aux services et produits nécessaires. Il ne suffit pas de déterminer qu’un patient a besoin de lunettes. La prochaine étape est cruciale : quelles montures et quels verres sont dans leur budget ? Où les lunettes seront-elles fabriquées ? Comment les lunettes seront-elles livrées au patient ?
Ces questions importantes ne sont pas abordées à l’école. Nous apprenons à prescrire les meilleurs soins possibles pour nos patients, ce qui fonctionne bien dans un environnement plus aisé. Mais que faire lorsque votre patient n’a aucun moyen de se rendre à l’opticien pour choisir une monture ou même pour prendre ses mesures ?
En Colombie-Britannique, nous apportions quelques montures simples pour que les enfants puissent les essayer, et nous prenions les mesures sur place. Les lunettes étaient ensuite commandées au laboratoire et expédiées à l’école, ce qui les rendait plus accessibles aux élèves.
Au Malawi, les lunettes données étaient une bénédiction. Lors d’un projet à l’école d’optométrie, nous avons utilisé nos nouvelles compétences avec un frontofocomètre pour déterminer la prescription des verres donnés. Nous avons rempli une valise avec ces lunettes et des lecteurs à faible puissance additionnelle, ce qui nous a permis de facilement prescrire des lunettes pour enfants et des lunettes de lecture pour adultes, ainsi que quelques prescriptions plus spécifiques.
Le suivi des soins
Au-delà des lunettes, il existe certaines conditions que nous identifions et qui nécessitent des soins d’un médecin généraliste ou d’un spécialiste. La rétinopathie diabétique, par exemple, doit être surveillée par un médecin généraliste. Le strabisme peut nécessiter une thérapie visuelle ou même une chirurgie. Et les cataractes doivent être retirées par un ophtalmologiste.
Au Canada, il devient de plus en plus difficile de trouver un médecin de famille. Et au Malawi, c’était encore plus rare. Lorsque nous rencontrions des enfants atteints de kératoconjonctivite vernale (VKC), nous écrivions des prescriptions de stéroïdes sur du papier brouillon et espérions que nos traducteurs expliquaient clairement qu’ils devaient les apporter à une pharmacie.
Le suivi des soins devient donc une difficulté majeure dans ces situations. À Smithers, l’ophtalmologiste le plus proche se trouvait à plusieurs heures de route. Avec d’autres obstacles tels que le transport, ces cas deviennent encore plus difficiles à gérer.
C’est là que l’importance de pouvoir prescrire des médicaments et effectuer des procédures mineures devient évidente. La pratique de l’optométrie rurale a élargi mes connaissances en gestion des maladies oculaires, simplement parce qu’il n’y avait pas d’autre option pour ces patients.
Conclusion
Je n’ai pas toutes les réponses aux questions qui se posent lorsque l’on pratique l’optométrie hors de la clinique. Je ne pense pas que quelqu’un puisse complètement résoudre tous ces problèmes. Mais certaines personnes y travaillent.
Mon superviseur en Colombie-Britannique était très enthousiaste à propos d’une nouvelle opportunité offerte par FYidoctors : une clinique d’optométrie mobile créée à partir d’un autobus. Cet autobus était équipé d’une salle d’examen complète, d’un système de champ visuel virtuel et d’un espace de stockage pour montrer des modèles de lunettes, et il pourrait se déplacer dans les régions rurales pour fournir des soins visuels.
C’est juste un exemple de prestataires qui travaillent pour aider les gens dans leur communauté particulière. Cela m’inspire à continuer à chercher des solutions, moi aussi.
Bien que ces défis persistent, je reste déterminée à trouver des solutions et à plaider pour un meilleur accès aux soins visuels, tant au Canada qu’à l’étranger. Chaque patient mérite la chance de voir clairement, et je suis déterminée à jouer mon rôle pour que cela devienne une réalité.
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