Plastic Plus : Un laboratoire indépendant fièrement canadien
vendredi, octobre 5 2018 | 08 h 28 min | Gestion d'affaires, Magazine Optik
par Mark B. Matthews
Plastic Plus est de loin le plus gros laboratoire d’optique indépendant au Canada. Son propriétaire, Paul Faibish, a fait visiter la nouvelle installation de Toronto à Optik et a discuté avec franchise des défis auxquels les laboratoires d’optique grossistes indépendants font face et des attentes qu’il a pour son entreprise.
Optik : Pouvez-vous nous raconter l’histoire du laboratoire Plastic Plus?
Paul Faibish : Mon père possédait une importante clinique d’optométrie. En 1974, il a décidé d’investir dans un laboratoire pour réduire ses coûts de fabrication et a lancé l’entreprise dans le sous-sol. Au départ, la demande était faible. Nous fabriquions environ 100 paires par jour. En 1980, je n’ai pas été accepté à la faculté de droit, et mon père m’a dit : « Paul, prend la relève. Essaie pendant un an. » C’est ce que j’ai fait jusqu’en 1983 sans même me verser un salaire. Ensuite, le vent a tourné, et les activités ont pris du mieux. En 1985, nous avons acheté l’édifice sur Leswyn Drive (Toronto).
Nous avons connu nos hauts et bas, mais les affaires n’ont cessé de croître, et en 2008, nous avons doublé la taille du laboratoire jusqu’à atteindre 13 500 pieds carrés. Je croyais que ce serait suffisant!
Mais, au cours des 10 dernières années, nos activités ont doublé, tout comme notre personnel, nous avons manqué d’espace et nous avons dû augmenter la capacité de production. Donc, nous avons décidé de déménager dans cet espace plus grand. Nous y fabriquons actuellement presque 1 000 paires par jour.
Optik : Déménager un laboratoire d’optique fonctionnel représente tout un exploit, même si l’édifice est celui d’à côté. Quels défis avez-vous dû relever?
F. : En mai 2018, nous avons déménagé le laboratoire. Nous n’avions que trois heures de temps d’arrêt et nous avons travaillé comme des fous. Nous avons maintenu les quarts de travail complets jusqu’à minuit et nous avons recommencé tôt le matin pour suffire à la demande. Notre déménagement, nous l’avions bien planifié, il s’est déroulé à merveille, mais nous avons éprouvé des problèmes techniques avec le nouvel équipement, ce qui a nui légèrement au service. Nous avons réglé la situation rapidement, mais je ne veux pas revivre cette situation.
Optik : Plastic Plus a été l’un des premiers à fabriquer les verres freeform. Parlez-nous de cette technologie.
F. : Nous avons été le premier laboratoire indépendant en Amérique du Nord à fabriquer des verres freeform. Un problème de brevet a retardé l’introduction de ces verres aux États-Unis jusqu’en 2007, mais nous les fabriquions ici en janvier 2005. Plusieurs appareils de notre laboratoire ont été les premiers du genre en Amérique du Nord, dont certains les premiers du genre au monde.
Nous avons travaillé en étroite collaboration avec Satisloh, notre principal fournisseur d’équipement de surfaçage depuis la fin des années 1980, mais nous avons également intégré l’équipement de Schneider et d’OptoTech. Presque tout notre équipement de taillage provient de MEI (Italie). Nous avons été le premier laboratoire au monde à posséder ses systèmes de taillage sans bloc. Nous sommes très loyaux envers nos fournisseurs. Nous faisons essentiellement affaire avec les mêmes depuis des années.
Optik : Quel est votre temps de traitement présentement?
F. : Nous pouvons fabriquer des verres sans traitement antireflet et non taillés au cours de la même journée. La fabrication des verres avec traitement antireflet non taillés nécessite de deux à trois jours et le taillage une journée de plus. Nous respectons ces délais dans plus de 90 % des cas. Oui, nous pourrions les obtenir pour un peu moins cher à l’étranger, mais il faut compter de 5 à 8 jours pour la livraison. Au Canada, je ne crois pas qu’un autre laboratoire peut surpasser notre temps de traitement.
Optik : Qui sont vos principaux fournisseurs de verres et quels types de verres offrez-vous?
F. : Au Canada, nous avons l’exclusivité pour Seiko et Rodenstock. Nous travaillons également beaucoup avec IOT, une entreprise espagnole qui fabrique le plus de verres freeform sans marque au monde. Nous venons d’obtenir le contrat de fabrication des verres Camber de Younger. Dans certains cas, les verres Seiko conviennent mieux, dans d’autres, les verres Rodenstock et, dans la plupart des cas, les verres IOT sont parfaits. Nous pouvons personnaliser un portefeuille de verres pour n’importe quelle clinique selon n’importe quel niveau de prix.
Optik : Parlez-nous de vos actions de marketing et de vente.
F. : Nous n’avons pas de représentants commerciaux! Selon nous, le coût d’acquisition des clients ne justifie pas la dépense. Ce n’est pas pour être arrogant, mais suffisamment de clients cognent à notre porte présentement. Les clients veulent toujours inclure un laboratoire indépendant dans une demande de proposition. Nous n’obtenons pas tous les contrats, mais nous soumettons constamment des devis à l’échelle nationale.
Il ne se passe pas une semaine sans que des professionnels de la vue canadiens ne nous posent des questions! Ils nous approchent, car ils réalisent qu’ils ne veulent pas encourager la concurrence, ils ne sont pas satisfaits du service à l’étranger ou ils veulent faire affaire avec un laboratoire indépendant.
Optik : Vous considérez-vous comme un laboratoire régional ou national?
F. : Ni l’un, ni l’autre, nous sommes un laboratoire international! Nous travaillons d’un bout à l’autre du pays, des Territoires du Nord-Ouest à Vancouver et à Terre-Neuve. Environ 15 % de nos commandes sont exportées. Nous avons quelques clients aux États-Unis et dans les Caraïbes. Nos clients sont loyaux et très fidèles. La plupart d’entre eux ont fait appel à nos services pour les verres freeform et le fait que nous pouvions faire du travail numérique avec d’excellents designs à prix abordable.
Optik : Comment vous positionnez-vous par rapport à vos principaux concurrents?
F. : Voici trois aspects que nous mettons en valeur.
Premièrement, nous soulignons le fait que nous sommes un laboratoire indépendant. Mon père était optométriste, et j’ai été opticien. Mon fils a été élevé au sein de l’industrie de l’optique, donc nous sommes indépendants.
Deuxièmement, nous effectuons tout le travail au Canada. Nous n’effectuons pas de sous-traitance à l’étranger. Nous achetons tous nos biens et nos services au Canada. Nous embauchons des Canadiens. Nous payons nos impôts au Canada. Nous faisons tout ici. S’il y avait quelques centaines d’entreprises comme Plastic Plus au Canada, notre économie s’en porterait beaucoup mieux!
Troisièmement, nous ne faisons pas partie de la concurrence. Je pose la question suivante à mes clients : « Si j’ouvre une succursale Plastic Plus Optical à côté de votre clinique et que je vends des lunettes, feriez-vous affaire avec mon laboratoire? ».
Optik : Qu’est-ce que l’avenir réserve aux laboratoires d’optique grossistes totalement indépendants? Quel conseil donneriez-vous aux plus petits laboratoires qui ont des difficultés?
F. : Un laboratoire numérique nécessite une tonne de capital et beaucoup de savoir-faire. L’équipement est très dispendieux. Vous avez besoin de redondance et du «prêt-à-l’emploi», tout comme des employés à temps plein en technologie de l’information et en traitement. Malheureusement, plusieurs laboratoires indépendants n’ont pas les ressources financières nécessaires ou ne désirent pas aller cogner à la porte des institutions financières et hypothéquer leur âme pour investir dans le numérique.
Optik : Pendant la visite, nous avons vu du travail pour le Malawi. Parlez-nous de votre travail bénévole.
F. : Nous appuyons divers organismes. Nous venons de terminer un travail pour le Ghana et la Jamaïque avant de collaborer avec le Malawi. Je ne peux pas refuser un tel travail. Nous sommes aussi le fournisseur officiel du programme Eye See…Eye Learn de l’Ontario dans lequel nous effectuons du travail sans frais pour les optométristes qui offrent leurs services aux enfants d’âge préscolaire. En 2016, nous avons offert des prescriptions sans frais pour les élèves d’une école du centre-ville. Nous avons demandé aux étudiants en optométrie de l’Université de Waterloo de vérifier la réfraction de centaines d’élèves. Nous avons organisé l’événement, nous avons assumé tous les frais afférents et nous avons également fabriqué les lunettes.
Optik : Quels sont vos objectifs de croissance? Visez-vous la fabrication de 3 000 paires par jour?
F. : Nous n’avons pas besoin de fabriquer 3 000 paires par jour. Nous avons suffisamment de contrats en cours pour soutenir et faire croître nos activités. Les ventes le prouvent. J’adopte la philosophie suivante : « Créez-le et ils viendront » et ils viennent! Les possibilités sont encore plus grandes aux États-Unis, et avec l’excellent temps de traitement de notre nouvelle installation, nos clients existants nous donnent encore plus de travail. Peu nombreux sont les fabricants qui peuvent fabriquer des verres antireflet grâce à la technologie numérique dans les 48 heures, 90 % du temps. De grandes possibilités de croissance s’offrent encore à nous. Si les possibilités de croissance et d’expansion avaient été nulles, nous serions restés dans l’ancien édifice.
Optik : Donc, vous voici avec votre investissement de plusieurs millions de dollars. Comme un seul homme. Allez-vous passer le flambeau à la prochaine génération ou vous allez vous retirer de l’industrie?
F. : En fait, nous avons reçu une offre d’achat très généreuse en 2009. J’en ai discuté avec ma femme sans cesse pendant six mois. À la toute dernière minute, nous avons décliné l’offre. Notre retraite aurait été assurée, mais nous n’avons pas vendu pour différentes raisons.
Tout d’abord, j’adore mon travail! J’ai hâte d’arriver au bureau le matin et je ne crois pas que je pourrais m’habituer à travailler en entreprise. De plus, mon fils travaille désormais avec moi, il fait un excellent travail, et nous ne voulons pas, ma femme et moi, lui enlever son gagne-pain.
Optik : Aimeriez-vous ajouter quelque chose?
F. : Une fois de plus, nous soulignons le fait que nous sommes indépendants, que nous effectuons tout le travail au Canada. Ce que nous faisons permet de remettre de l’argent dans l’économie.
Et nous ne faisons pas partie de la concurrence. Nous ne vendons pas de lunettes pour ne pas nuire à nos clients, que ce soit en ligne ou avec pignon sur rue.
Optik : C’est votre devise?
F. : Oui!