Par Dre Sophia Leung, OD, FAAO, FCCSO, Dipl ABO, Dipl Ant Seg
Les collaborations intraprofessionnelles ne sont pas nouvelles dans le domaine des soins de santé. Bien qu’elles ne représentent qu’une minorité des recommandations, les collaborations au sein d’une profession permettent de résoudre des problèmes courants tels que les temps d’attente, l’accès à des soins spécialisés et la communication. Il y a d’énormes avantages pour nos patients lorsque les optométristes adoptent ce type de pratique collaborative.
Une collaboration est définie par l’Organisation mondiale de la santé comme « un processus dynamique dans lequel un professionnel de la santé à un niveau du système de santé (…) demande l’aide d’un autre établissement du même niveau ou d’un niveau supérieur pour contribuer au parcours de soins ».
L’expérience au sein d’autres professions
En dentisterie, les dentistes généralistes ayant une formation avancée (par exemple, dans le traitement de la douleur orale ou de l’apnée du sommeil) acceptent les demandes de consultation de leurs collègues tout en maintenant des schémas de collaboration rationalisés.
En physiothérapie, les collaborations intraprofessionnelles consistent en un patient consultant son physiothérapeute principal pour optimiser sa course, un autre physiothérapeute pour les blessures liées au vélo, et un autre spécialiste pour les problèmes de fessiers et de jambes.
Nous ne sommes pas étrangers aux voies de collaboration intraprofessionnelles en médecine. Les spécialisations ont toujours été bien définies au sein de la médecine, ce qui a permis l’existence de voies de collaboration intraprofessionnelles classiques.
En optométrie, les collaborations intraprofessionnelles augmentent, bien qu’il y ait encore des possibilités d’un meilleur soutien mutuel dans nos domaines d’expertise respectifs. Pour certains, les collaborations intradisciplinaires peuvent être difficiles sur le plan conceptuel, car les voies de collaboration historiques ont positionné l’optométrie comme soins primaires et l’ophtalmologie comme soins secondaires. Cependant, nous devons reconnaître que l’accès à des soins appropriés s’améliore lorsque chacun exerce dans la mesure de ses compétences les plus élevées.
Les opportunités de collaboration en optométrie
Les spécialisations en optométrie comprennent les lentilles cornéennes spécialisées, la gestion de la myopie, la rééducation visuelle et de nombreuses sous-spécialités avancées de maladies oculaires. Avec le développement des sous-spécialités, l’objectif n’est pas d’augmenter le cloisonnement professionnel, mais plutôt d’améliorer la collaboration et l’intégration dans le cadre du partage des connaissances, un principe emprunté à la gestion des opérations. En tant que profession, nous devons cesser de lutter contre ce principe, car tout ce que nous accomplissons, c’est une attaque contre nous-mêmes et un préjudice pour nos patients. Les collaborations intraprofessionnelles bien réalisées réduisent la charge de travail des soins tertiaires et améliorent l’ensemble des soins prodigués aux patients.
La Dre Debbie Luk, une leadeuse canadienne en vision sportive et en rééducation visuelle, décrit les collaborations optométrie-à-optométrie comme étant essentielles pour sensibiliser aux compétences de l’optométrie. Les patients comprennent mieux leurs options et ont une meilleure accessibilité, ce qui peut ultimement améliorer leur qualité de vie.
Pour adopter les voies de collaboration intraprofessionnelles en tant que praticien demandeur, il faut faire preuve de conscience de soi. Reconnaître humblement où commence et se termine sa compétence est le signe d’un praticien prudent. Ne pas tout savoir n’est pas une faiblesse, c’est même une force de le reconnaître. Apprenez ce que vous ne savez pas. Parlez à ceux qui se spécialisent dans des domaines que vous ne maîtrisez pas et apprenez le protocole d’aiguillage que vous pouvez adopter.
Pour adopter cela en tant que praticien consultant, vous devez avoir une formation et être prêt à apporter une valeur ajoutée à la communauté de praticiens qui orientent les patients vers un autre professionnel de la santé; vous devez être digne de confiance pour recevoir les patients recommandés. Cela suppose de s’engager à bien communiquer avec les praticiens demandeurs et d’être ouvert à respecter le niveau de collaboration qu’ils préfèrent. Par exemple, certains peuvent vous recommander un patient pour une cogestion et d’autres pour un transfert complet des soins. Et bien sûr, il est essentiel de communiquer clairement avec le patient concernant les modalités de la collaboration, car le choix de ses soins lui revient entièrement.
La Dre Natalie Chai est propriétaire d’une clinique d’aiguillage florissante en matière de sécheresse oculaire et de gestion de la myopie. Elle responsabilise intentionnellement ses patients et fournit des informations aux praticiens demandeurs pour démontrer qu’ils pourront peut-être un jour offrir eux-mêmes ce service.
Le pouvoir du travail en commun
Pour ma part, l’une des choses les plus excitantes dans la création d’un modèle de triage des maladies oculaires dirigé par l’optométrie est de réfléchir avec les praticiens demandeurs afin de trouver des solutions pour leurs patients. Chaque correspondance est une occasion de collaborer et de faciliter l’accès plus efficace à une prise en charge médicale secondaire ou tertiaire et à des interventions chirurgicales.
Cependant, quelques mots de sagesse : il est essentiel que toute personne qui reçoit des patients recommandés soit également consciente d’elle-même. Il est tout aussi crucial pour les soins d’un patient d’accepter une recommandation dans son domaine d’expertise que de la refuser lorsque ce patient serait mieux pris en charge ailleurs.
Il y a du pouvoir dans l’apprentissage collectif et il y a du pouvoir dans le fait de travailler ensemble. En ce qui concerne les hésitations liées à l’inconnu, sachez que vous n’êtes pas seul et ayez confiance que l’hésitation peut être surmontée en en discutant. Quant aux préoccupations concernant les lacunes de connaissances ou de compétences, sachez que vous n’êtes pas seul dans cette situation non plus. Vous pouvez apprendre n’importe quoi si vous le souhaitez vraiment.
Enfin, si vous avez peur de commencer, une courte discussion avec vos collègues qui sont quelques pas en avant vous montrera que nous avons tous été dans cette situation. Rappelez-vous que vous avez entrepris de grandes choses par le passé et en êtes sorti grandi.
Optométrie, croyons en nous-mêmes et les uns en les autres, pour le bien de nos patients et pour le bien des soins de santé dans lesquels nous jouons un rôle crucial.
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