Par Dr Shaun Rawana, DO
La myopie a récemment été classée comme une épidémie de santé publique par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et a été reconnue comme la principale cause de déficience visuelle. Les yeux myopes sont associés à une incidence accrue de complications oculaires, les myopes sévères étant plus susceptibles de souffrir d’affections telles que le glaucome, la cataracte et le décollement de la rétine.
Bien qu’il s’agisse d’une variante naturelle de l’erreur de réfraction, l’omniprésence accrue et émergente de la myopie peut être attribuée à l’évolution de la culture et de la vie moderne. De plus en plus d’études récentes suggèrent qu’un plus grand nombre d’activités effectuées en vision rapprochée est un facteur de risque dans l’apparition et la progression de la myopie au cours de l’enfance, alors que passer plus de temps à l’extérieur est considéré comme un facteur de protection.
Des études suggèrent que les enfants âgées de 6 à 7 ans présentent les changements les plus importants en matière d’erreur de réfraction et d’allongement de la longueur axiale de l’œil. Dans ce groupe d’âge, les filles progressent plus rapidement que les garçons, tandis que les enfants dont les deux parents sont myopes progressent le plus vite. Une réduction de la myopie de seulement 1D peut réduire jusqu’à 40 % le risque de développer des troubles de la maculopathie myopique plus tard dans la vie.
La théorie derrière la conception des dispositifs
Malgré des décennies d’études et de recherches, nous n’avons toujours pas trouvé d’explication complète au mystère du développement de la myopie. Les modèles animaux (primates) soutiennent fortement la théorie de défocalisation hypermétropique périphérique, qui a démontré que le flou induit par l’hypermétropie dans la rétine périphérique favorise l’allongement de la longueur axiale, tandis que le flou induit par la myopie signale l’arrêt du processus. Bien que cette théorie soit loin d’être universellement acceptée et qu’elle ne représente probablement qu’une partie des influences multifactorielles dans l’apparition et la progression de la myopie, la plupart des outils de gestion de la myopie offerts sur le marché intègrent des aspects de conception basés sur cette théorie.
Quant aux dispositifs ophtalmiques, les lentilles cornéennes utilisées pour la gestion de la myopie peuvent être le moyen le plus efficace d’atténuation, fournissant la plus grande réduction moyenne de la progression sur la plus longue période. Cette constatation est probablement due à la surface relative de la rétine périphérique exposée à la défocalisation myopique de chaque modalité, qui est plus importante avec les lentilles cornéennes et plus limitée avec les lunettes.
Les lentilles ortho-k : un potentiel sous-utilisé
En termes d’options de lentilles cornéennes, l’orthokératologie (ortho-k) est considérée comme le pilier de la modalité. Pourtant, malgré l’efficacité des ajustements ortho-k, les lentilles n’ont jamais gagné la popularité et l’utilisation que l’on aurait pu supposer. Du point de vue du praticien, cela peut être dû au temps et au coût associés au processus d’ajustement, à la compétence requise pour les ajustements des lentilles perméables aux gaz et à l’investissement dans un équipement spécialisé, tel qu’un topographe cornéen ou la technologie TCO, nécessaire pour la surveillance de la cornée. La répercussion de ces coûts sur le patient peut également s’avérer difficile dans certains groupes démographiques. Du point de vue du patient, le confort peut aussi être un problème si la lentille est mal ajustée. En outre, les multiples visites de suivi, pour s’assurer du bon positionnement de la lentille sur la cornée, peuvent être problématiques pour certains patients. Quelles que soient les raisons de la faible adoption de l’orthokératologie, elle reste un outil efficace pour la gestion et l’atténuation de la myopie.
Les lentilles ortho-k et les lentilles souples pour la gestion de la myopie créent une défocalisation périphérique myopique tout en offrant une vision centrale nette. Dans le cas des lentilles de gestion de la myopie, comme les lentilles multifocales qui les ont précédées, les zones de focalisation doubles limitent la défocalisation périphérique hypermétropique et peuvent être conçues pour produire une défocalisation myopique en périphérie tout en laissant l’accommodation intacte.
Les avantages des lentilles cornéennes souples
Les lentilles cornéennes souples sont mieux acceptées par les patients et les praticiens et constituent un excellent point de départ dans la prise en charge de la myopie, car elles sont généralement plus faciles à ajuster et à porter. Contrairement aux lentilles ortho-k, les lentilles souples ne manipulent pas la surface de la cornée, et un topographe cornéen n’est donc pas nécessaire. Bien que le suivi des changements d’erreur de réfraction puisse être suffisant pour limiter la progression de la myopie lors de l’utilisation de lentilles souples, la mesure de la longueur axiale de l’œil par échographie d’amplitude fournit une mesure plus définitive de l’efficacité des lentilles dans l’atténuation de la myopie.
En raison de la possibilité de personnaliser les lentilles ortho-k pour influer sur des zones précises de la rétine périphérique, celles-ci restent la meilleure modalité, mais une modalité sous-utilisée dans la gestion de la myopie. Les applications à la correction astigmatique et à l’inversion potentielle de la myopie doivent faire l’objet d’études plus approfondies en ce qui concerne les lentilles ortho-k. Ces questions sont actuellement à l’étude. L’introduction de lentilles cornéennes souples pour la gestion de la myopie par le grand fabricant de lentilles cornéennes CooperVision est un signe prometteur que cette tendance inquiétante a finalement été reconnue.
L’évolution des lentilles cornéennes dans la gestion de la myopie semble avoir un avenir prometteur. De nouvelles lentilles à profondeur de champ étendue, des lentilles souples à gradient d’indice de réfraction (GRIN) et le concept de libération in vitro de médicaments antimuscariniques à partir d’une lentille cornéenne souple font tous l’objet d’études, et à ce jour, les résultats sont encourageants.
Lisez l’article du Dr Rawana dans le numéro de Juillet-Août du magazine Optik ICI.