par Dr Shaun Rawana, O.D.
Au cours de la dernière décennie, les lentilles cornéennes sclérales ont gagné en reconnaissance et en popularité. Le confort et la qualité de la vision que procurent ces lentilles novatrices, notamment pour les cornées compromises ou irrégulières, sont sans égal.
Bien que les lentilles sclérales demeurent moins utilisées en raison de leur coût, elles sont désormais plus abordables grâce aux avancées technologiques et aux processus de production modernes. Il faudrait donc réévaluer le port des lentilles sclérales pour traiter les maladies oculaires, en particulier en ce qui concerne leurs avantages pour le traitement et la gestion de la sécheresse oculaire.
Dans le cadre de cet article, notre discussion portera uniquement sur les lentilles sclérales de grande dimension qui reposent entièrement sur la sclère et offrent un dégagement de 6 mm autour du diamètre de l’iris visible. Bien qu’il existe de la documentation pour corroborer le fait que les lentilles cornéo-sclérales seraient utilisées pour gérer des cas de sécheresse oculaire modérée, les grandes lentilles sclérales comportent un réservoir plus important qui peut certainement être plus bénéfique pour une cornée compromise. De plus, les plus grandes lentilles permettent également une meilleure répartition du poids sur la lentille et sur la sclère, ce qui est bénéfique pour la cornée, particulièrement si elle est gravement compromise.
Le syndrome de l’œil sec : un problème répandu
Les lentilles sclérales de grande dimension couvrent la surface oculaire et créent un micro-environnement fermé qui favorise la lubrification et la santé de l’oeil. Le réservoir de la lentille baigne la cornée dans une solution saline non préservée afin qu’elle demeure humide et confortable tout en offrant une excellente vision. De plus, des larmes artificielles non préservées qui nourrissent la cornée peuvent être utilisées pour améliorer le confort de port, la santé de la surface oculaire et la vision. Pour un bienfait optimal, et dans le traitement des formes plus sévères de la maladie, un sérum autologue (larmes dérivées du plasma) peut également être utilisé.
De nos jours, la plupart des lentilles sclérales sont fabriquées à l’aide d’acrylate de silicone fluoré, un matériau qui confère aux lentilles flexibilité, stabilité, perméabilité à l’oxygène et hydrophilie. Les avancées en matière de traitements de surface, notamment le traitement Tangible Hydra PEG, ont démontré un confort accru et une amélioration des symptômes de la sécheresse oculaire chez les porteurs de lentilles cornéennes. Composé essentiellement de 90 % d’eau et de près de 10 % de polyéthylène glycol, un composant commun des larmes artificielles restauratrices, ce traitement recouvre les lentilles d’une couche humide lisse conçue pour maintenir la stabilité du film lacrymal naturel et améliorer le confort oculaire. Il agit en se liant de manière permanente à la surface de la lentille; il encapsule la lentille et optimise ainsi la mouillabilité de la surface, le pouvoir lubrifiant, la stabilité du film lacrymal et la résistance aux dépôts.
En général, les grandes lentilles sclérales sont traditionnellement réservées pour les cas où l’élévation du méridien de la cornée dépasse 350 mm de son point le plus élevé à son point le plus bas. Lors de l’ajustement des lentilles sclérales pour traiter la sécheresse oculaire, ce facteur n’est peut-être plus aussi important à prendre en compte. Malgré tout, pour la conception des lentilles, la profondeur sagittale de celles-ci doit toujours être considérée afin d’assurer une bonne stabilité et éviter de provoquer des conditions hypoxiques trop élevées sur la cornée.
Ironiquement, si le réservoir est trop grand, la solution saline non préservée ou le mélange qui nourrit la cornée peut entraîner un gonflement de la cornée, car les liquides ne facilitent pas l’échange d’oxygène. Plus le volume du réservoir est important (en fonction de la profondeur de la lentille), moins l’oxygène est susceptible d’atteindre la cornée.
Les lentilles sclérales de grande dimension couvrent mieux la surface oculaire
Des études suggèrent que les lentilles sclérales dont le dégagement moyen est de 200 mm sont idéales, car les lentilles plus profondes comportant de plus grands réservoirs peuvent entraîner une condition trop hypoxique.
Bien qu’ils ne soient pas essentiels, un topographe cornéen qui prend une grande image de la jonction cornéo-sclérale ainsi qu’une tomographie par cohérence optique angiographie (de l’anglais OCT-A) sont très utiles pour déterminer les ajustements à apporter aux lentilles sclérales. Ces instruments peuvent aider à concevoir les courbes secondaires des lentilles et à mesurer le dégagement du réservoir, respectivement.
Ces technologies aident à limiter les réusinages en fournissant des renseignements plus précis au laboratoire de fabrication. Toutefois, les fabricants offrent de plus en plus des lentilles sclérales d’essai pour un ajustement empirique. Comme pour l’ajustement des lentilles cornéennes rigides perméables au gaz, seule une lampe à fente avec un filtre bleu cobalt et fluorescéine est nécessaire. Évidemment, en raison de la taille des lentilles sclérales et de leur retour relativement récent au sein de l’industrie de l’ophtalmologie, il existe de nombreux modèles et guides d’ajustement. Quelle que soit la philosophie adoptée, l’ajustement réussi d’une lentille sclérale en cas de sécheresse oculaire repose sur les deux éléments suivants : obtenir un dégagement cornéen adéquat et éviter les lentilles trop serrées qui pourraient empiéter sur les vaisseaux sanguins ou créer un déplacement de la conjonctive.
Étant donné que la sécheresse oculaire est devenue un problème répandu qui compromet la cornée et nuit à la vision, nous devons continuer à améliorer nos traitements et à trouver de nouvelles approches.
Aujourd’hui, la gestion de la sécheresse oculaire demeure très floue puisqu’il n’existe aucun protocole, contrairement à d’autres maladies. Pourtant, comme pour le kératocône, les lentilles cornéennes sclérales peuvent représenter un point final au-delà duquel les membranes amniotiques ou une intervention chirurgicale peuvent être considérées.
Lisez l’article du Dr Rawana dans le numéro de Mai-Juin du magazine Optik!